Ecrivain

Ecrivain,


écrits vains...

Depuis 1998, Jacques Lambert se consacre plus spécialement à l’écriture.

 

- Octobre 1999 :  Le trou dans le ciel, roman,

 

- Juin 2000 : La vie à l’endroit, à l’envers et de travers, nouvelles,

 

- Janvier 2002 :  Les petits cris, roman,

 

- Décembre 2003: Yémen entre chiens et loups (Réédité en 2007), 

 

- Octobre 2006 :  La Cité des Merveilles, roman.

 

- Mars 2010:  Lauréat du Prix Richelieu de la nouvelle (La narinade).


- 2020: De l'art sublîme d'être bête, nouvelles.


-2020: Les jardins d'Issiô, conte.

 

Jacques Lambert est membre sociétaire de l’A.E.B.

(Association des écrivains belges de langue française.)

 

 

 

 

 

Des héros sereins…



 

 

Qui, parmi nous simples mortels, n’a jamais éprouvé l’irrépressible besoin de narrer, par le menu détail, les mille et une aventures invraisemblables qu’il aurait réellement vécues, ou cru vivre, ou encore dont il aurait été les témoin et rapporteur privilégiés ? Mus par d’obscures et irrépressibles forces, nous y sommes tous amenés un jour ou l’autre.

Les héros de mes romans expérimentent quantité de situations à peine croyables, de ces sortes de péripéties rocambolesques dont la plus ou moins grande expérience de vie de chacun d’entre nous attesterait pourtant, sans peine aucune, l’authenticité flagrante si...

Bon, d’accord, à demi-mots sans doute, car, ce faisant, nous prendrions vite le risque de nous faire traiter d’affabulateurs, de menteurs, d'imposteurs, de fous peut-être…

Et ces aventuriers-là, pas davantage que vous ou moi d'ailleurs, ne se révèlent pourtant super-héros : pas un seul en effet qui soit bardé de muscles monstrueux, ou ait le slip truffé d’armes secrètes ; pas un seul pour oser incarner « l’homme surdoué » de la dernière génération, le téméraire d'hier, le Rambo d’aujourd’hui... Leur condition physique à tous, décidément, ne nous est pas supérieure et… - analyse plutôt rassurante à maints égards! - leur degré d’intelligence non plus ! Leur statut est bien le nôtre.

Alors, des héros, cela ? Des chiffes molles, des antihéros plutôt…

 

Dieu! qu'alliez-vous dire là ?…

D’abord, ce serait vous montrer indignes d’oser seulement nous autoriser à penser cela… également de nous-mêmes ! Oublierions-nous, en effet, que nous venons juste de nous associer à l’image de ces héros ? Le plus fascinant, le plus séduisant d'entre eux ne serait-il point précisément celui qui, in fine, nous ressemblerait de manière complice, n’aurait, comme vous ou moi, de pouvoir sur personne, ni de prise sur rien, ne possèderait pour contrer le destin, quand il lui est contraire, que ses propres faiblesses à opposer, nos mêmes imperfections désastreusement minables, de grosses lacunes en tout ?

 

Ah, Dieu !, mais c’est ainsi que nous pouvons prendre peur avec lui ! C'est ainsi que nous pouvons trembler pour lui. Lui, si nu, si démuni, si pareil à nous-mêmes. Lui qui nous représente cependant âprement, face aux délires d’un univers bourreau depuis la nuit des temps. Nous nous portons volontaires pour le suivre partout où l'entraînent ses godasses. Nous sommes prêts, où qu'il aille, à nous fondre dans son ombre. Et lui et nous, pour peu, finirions même par ne plus faire qu’un "corps et âme" unique…

Car on s’identifie plus facilement au personnage quand il est modeste, voire médiocre. Quand on le sait naïf au point de s’engager, sans s'interroger plus qu'il ne faut sur le pourquoi ou le comment des choses, dans plein de mondes situés bien au-delà de son maigre entendement. Quand on le sent désemparé par des environnements bizarres. Quoique il puisse - ô paradoxe -  cultiver lui-même plein de bonne volonté pour s’y fondre, parfois même s’y morfondre. Quand on le devine saisi de doutes affreux, vertigineux, ou au contraire, taraudé d’orgueil au vu d'une lueur subite et sienne de perspicacité… on ne peut plus fortuite !

 

Voilà ! c'est pour cela que les héros de mes livres ne peuvent être que faibles, sans passe-droit, sans protection humaine ni assistance divine, sans privilège d’aucune sorte. Entièrement livrés à eux-mêmes, ils errent.




 

 

…propulsés dans des mondes fous



 

 

Ces aventuriers, d’envergure somme toute assez commune, ne seraient cependant complets s’ils ne possédaient la faculté immense de naviguer, sans discontinuer, de la réalité à la rêverie, de la rêverie au rêve, du rêve à l’utopie, de l’utopie à la réalité… C’est en effet le cycle le plus ordinaire de la vie quand on considère celle-ci au quotidien. La vôtre comme la mienne, je suppose…

Et, comme vous ou moi sans doute, mes personnages héros ne sont ni vraiment blancs, ni franchement noirs. Ni exclusivement bons, ni strictement méchants. Sus au manichéisme odieux et réducteur ! Bref, je dirais volontiers que, chez chacun d’eux, l’Esprit souffle et le cul pète.

 

Et ces héros fragiles, malingres de corps et d'esprit, sont d'un coup - d'un seul ! - plongés dans des grouillements extrêmes, dans des mouvements de vie hallucinée, virevoltante, tournechamboulante. Mais n'y voyons là, je vous prie, rien d’autre qu’une situation parfaitement naturelle : toutes époques confondues, tambour battant, le monde n’a jamais été qu’une gigantesque machine à laver… ou salir.

Parlons-en de ce monde ambiant qui pullule, grouille et foisonne dans des élans de vie d’une abondance maligne. On y vit cependant, bien forcés d’être là. Mais on n’y adhère pas pour autant. On le subit, ce monde, comme on endure la volonté des grands ou la force écrasante du petit peuple un instant uni, un moment compact, mais toujours prêt à vous lyncher ou vous pendre.

Qu’y faire pourtant ? Ces mondes délités qu’on traverse faute d’alternatives, cadenassés, impitoyables, revêtus depuis peu, pour l’esthétique morale, d’une vague peau de démocratie, n’offrent guère de prises…

Oh si, tout de même ! L’une ou l’autre prise, peut-être. Mais alors, il faut bien la chercher, à force de patience, au travers de microscopes. Pour la trouver de manière et matière symboliques.

Avec les héros qui nous ressemblent, nous plongeons perpétuellement, paraît-il, dans le sens de l’Histoire. Ah, voilà bien des mots qui ne signifient rien. Mais qui rassurent tellement. Ou pire, excusent.

 

On me le pardonnera, j'en suis sûr : issu du cinéma documentaire, je ne puis m'empêcher de résister très longtemps aux flux et reflux d'images nombreuses, envahissantes, martelantes, obsédantes - encombrantes diront les détracteurs ! - Et dès lors, tant pis pour les concepts abstraits !... Mais, les images aussi, je pense, possèdent cette curieuse faculté d'éveiller en nous les mystères du non-dit. Car les sens ne sont que bien peu parfaits.



 

 

 

Littérature, mode d'emploi



 

 

 

Mes amis, j’ai fait un rêve terrible cette nuit.

 

J’attendais avec fièvre la publication d’un livre. Jusque là, pour un écrivain, rien de plus normal. Rien que du banal jubilatoire.

Mais voilà ! L’imprimeur avait sans doute dû mal digérer le repas bien arrosé de sa dernière sortie. Il avait, dans la foulée, réglé - ou déréglé - vaille que vaille ses machines bien trop dociles… Il en était sorti, à des millions d’exemplaires, un livre difforme dont les pages se retrouvaient, tantôt tête-bêche, tantôt en quinconce, quelquefois inversées, d’autres fois renversées.

Aïe, pauvres lecteurs. C’est qu’ils s’étaient engouffrés si nombreux dans ce livre aux senteurs âcres d’encre ! Intrépides et confiants, naïfs comme des oies blanches, le cœur ouvert bien grand et l’esprit frétillant. Très vite pourtant, ils s’étaient égaillés à l’intérieur du monstre, avaient erré de tous côtés, longuement, puis découvert des paysages neufs, aux allures inconnues d’eux, baignés de clartés aveuglantes ou de nuits sans scrupule, et qui les avaient distraits de leur route. Ayant perdu toute notion de temps, d’espace, d’orientation médiumnique, ils s’étaient retrouvés, éparpillés, démunis, perdus, à des années lumière de leur petit chez eux. L’errance devenait pour chacun d’eux, hélas, perpétuelle et cyclique.

 

 

Deux ans s’étaient écoulés depuis le fâcheux événement. - Eh oui, dans les rêves comme sur la terre, le temps passe en bolide. – Les sauveteurs, dépêchés sur place depuis la première heure, continuaient à découvrir leur lot nouveau de victimes franchouillardes. Certains lecteurs, isolés, reclus au plus creux des zones d’ombre – et Dieu sait si l’œuvre en était bien pourvue ! – étaient découverts, poussiéreux, verdâtres et momifiés, coincés parfois entre deux pages de livre, comme en un herbier humain. D’autres, plus grégaires, étaient retrouvés, agglutinés par grappes, entre deux paragraphes télescopés, ou à califourchon sur un numéro de page estropié, ou encore, coiffant une tête de chapitre, comme s’ils avaient souhaité une dernière fois scruter des horizons salvateurs inaccessibles. Ils étaient morts de faim, d’épuisement, morts peut-être de n’avoir jamais été autorisé à connaître la fin de l’histoire, heureuse ou malheureuse. Mais tous étaient parcheminés, vermoulus, immobiles et crevés.

Pourtant, des rescapés, il y en avait parfois. Au terme d’un cheminement hasardeux, tournechamboulé, certains lecteurs, sans trop savoir comment, s’étaient brusquement retrouvés face à la page de garde, ou avaient buté sur un ISBN rugueux. Sauvés ! L’un d’eux, gagnant assurément le gros lot, avait fini par pointer le bout du nez au travers de la première de couverture. Mais ils restaient l’exception, des miraculés, voire des cocus super magnifiques.

 

Mes amis, de grâce, retenez la leçon que nous donne ce naufrage d’une oeuvre titanesque. Dès le départ d’une aventure livresque, équipez-vous toujours de manière sérieuse. Ainsi, n’oubliez jamais d’emmener avec vous votre boussole, un sextant, un compas, une balise Argos, un GPS, et des petits cailloux de balisage (il y en a de si jolis)…

En un mot comme en cent, mes amis, je vous en conjure, demeurez prudents lorsque il s'agit de pénétrer au cœur le plus profond  d’une œuvre littéraire.


Remise des prix aux lauréats (dont je faisais partie) du Prix Richelieu de la nouvelle, au Palais des Princes-Evêques de Liège, en présence d'Edmond Blattchen (à gauche sur la photo), personnalité invitée  et que les téléspectateurs belges connaissent bien pour son émission "Noms de dieux".


Le prix a été décerné à Maryse Colson pour sa nouvelle: "Humour noir".

                                                                                                                                                                   

Photo: Uhm-Hee.